mobilite | 07/10/20

Les « effets rebond » du télétravail

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Recommandé voire rendu obligatoire par le Gouvernement suite à la crise sanitaire, le télétravail est aujourd’hui devenu la norme dans de nombreuses entreprises. Meilleure productivité, plus de flexibilité dans les horaires de travail, gain d’autonomie, réduction du stress et des trajets domicile-travail, tels sont les principaux avantages économiques, sociaux et environnementaux de cette nouvelle pratique de travail. Néanmoins, dans une récente étude (étude sur la caractérisation des effets rebond induits par le télétravail), publiée en septembre 2020, l’Agence de la transition écologique (ADEME) présente les « effets rebond » qui pénaliseraient les bénéfices environnementaux induits par cette pratique.

 

Avant d’évoquer la notion de télétravail, ses bénéfices environnementaux et ses principaux effets rebonds, il faut rappeler que le télétravail reste, même après la période de confinement, une pratique de travail destinée aux « cols blancs » : 63% des télétravailleurs sont des CSP+ et 51% sont des cadres. Inutile donc de présenter le télétravail comme la panacée alors qu’une majorité de la population française, n’est et ne sera jamais concernée par cette pratique de travail.

 

Le télétravail : une solution pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre ?

D’après l’Agence de la transition écologique, le télétravail a un impact massif sur le secteur des transports (1er émetteur de gaz à effet de serre : 30 %). En France, 74% des salariés se rendent sur leur lieu de travail en voiture et 11% en transports en commun. Télétravailler permettrait ainsi de réduire d’environ 30% les impacts environnementaux associés aux trajets domicile-bureau et de générer un bénéfice environnemental moyen de 271 kilogrammes équivalent carbone (kg eqC02) annuels, par jour de télétravail hebdomadaire. Outre les déplacements, le télétravail permettrait également de réduire les consommations de « bureaux » (papier, encre, fournitures, gobelets, décoration, vidéoprojecteurs, etc.) et les surfaces immobilières, quand il est couplé au Flex Office.

Moins de déplacements et de surfaces immobilières, baisse des consommations énergétiques et de bureaux sont donc les principaux bénéfices environnementaux du télétravail présentés dans les médias et dans la littérature. Ces bénéfices sont cependant réduits par de nombreux effets rebonds identifiés et présentés par l’ADEME. En effet, à la suite d’une enquête menée auprès de 26 organisations françaises comptant 350 000 salariés, l’Agence de la transition écologique a identifié quatre effets rebond directs et défavorables qui réduisent en moyenne de 31% les bénéfices environnementaux du télétravail.

 

Les déplacements supplémentaires

D’après l’étude, le télétravail entraînerait de nouvelles possibilités de déplacements. Celles-ci émergent pour plusieurs raisons : par exemple, un véhicule non utilisé pour se rendre sur le lieu de travail deviendrait disponible pour les autres membres du foyer ou encore que la proximité avec le lieu de vie susciterait de nouveaux déplacements (nouvelles activités associatives, sportives ou familiales).

De plus, le trajet domicile-travail est régulièrement marqué par plusieurs étapes qui peuvent être maintenues lors de la journée de télétravail. Par exemple, les parents qui amenaient leurs enfants à l’école lors du même trajet en voiture que pour aller au bureau continuent de le faire en télétravail (passage d’une mobilité en étoile plutôt qu’en chaîne).

Cette pratique de travail permettrait également d’installer de nouveaux schémas de repos et de loisirs. En réduisant les coûts associés à la mobilité, le télétravail sur un lieu de villégiature peut augmenter les séjours courts dans une résidence secondaire voire les week-ends en famille et donc d’accroitre ses émissions de gaz à effet de serre.

Pour certaines activités, le télétravail peut progressivement accroitre la taille de la zone de chalandise, d’intervention et de prestation. Ainsi, une extension de la zone géographique d’intervention pourrait générer ponctuellement de nouveaux déplacements.

 

La relocalisation du domicile

Le télétravail permet de réduire les temps de trajet et donc de rendre soutenable les distances domicile-bureau. De ce fait, de nombreux télétravailleurs pourraient décider de s’éloigner de leurs lieux de travail (par exemple, quitter la région parisienne pour habiter dans une ville à taille humaine, ou plus proche de la nature), ce qui pourrait entraîner des reports modaux pouvant se révéler défavorables (zone de vie moins bien desservie en transport en commun).

Cette pratique de travail pourrait également inciter les télétravailleurs à construire des extensions de logement ou acquérir des logements plus grands pour disposer d’un espace de travail dédié. Cet effet n’est pas avéré dans l’étude réalisée par l’ADEME mais pourrait devenir significatif avec l’augmentation de la fréquence de télétravail.

La généralisation du télétravail permet également la réduction des surfaces immobilières par les entreprises. Outre, les avantages financiers à occuper des superficies moins importantes pour les entreprises, « la balance environnementale globale du télétravail » s’améliore très sensiblement de +52% par jour de télétravail hebdomadaire (soit – 234kg eqC02/an pour chaque jour de télétravail hebdomadaire supplémentaire).

 

L’usage de la visioconférence

Suite à la crise sanitaire Covid-19, le développement de la visio-conférence semble être massif et serait à l’origine d’un effet rebond environnemental significatif (augmentation de la consommation d’énergie et sollicitation des serveurs nécessaires aux services de visio-conférence). D’après l’ADEME, une minute de visio-conférence émet 1g de CO2. Ainsi, l’utilisation de la visio-conférence générerait, en moyenne, des émissions de l’ordre de 2,6 kg eqCO2/an, pour un jour de télétravail hebdomadaire. La pollution numérique est responsable de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et le flux données en audio consomme 1 000 fois moins de bande passante que la vidéo (Décisions Durables, 2020). Pollution qui devrait s’intensifier avec un taux de réunions présentielles qui devrait diminuer jusqu’à 25% (zone Amérique du Nord et Europe) en 2024. Ces estimations ne tiennent pas en compte les impacts du suréquipement pouvant être induits par le télétravail (imprimante, téléphone professionnel, etc.). Le passage d’un monde réel à un monde virtuel peut également avoir un impact sur notre santé et notre façon de travailler : le fait d’être constamment immergé dans un monde virtuel peut créer des situations d’isolement et de manque affectif (manque d’interaction sociale, syndrome de la cabane, baisse de la créativité et de la cohésion d’équipe).

 

Les consommations énergétiques du domicile

De nombreuses études démontrent que la consommation d’énergie au domicile pendant la journée de télétravail augmente mécaniquement (chauffage, éclairage, internet, équipements branchés, etc.) : +20,7 kg eqCO2/an pour un jour de télétravail hebdomadaire.

 

Environnement : le télétravail, pas si neutre que ça

Vu par certains comme une solution tant écologique que respectueuse des règles sanitaires, le télétravail reste une forme d’organisation du travail à utiliser à bon escient. Ainsi, il est primordial de se poser les bonnes questions : Est-ce durable de télétravailler deux fois par semaine dans sa maison secondaire située dans une zone rurale dépourvue de transports en commun, de disposer de nouveaux équipements à forte densité énergétique voire d’agrandir son espace de vie pour installer un bureau à domicile ? Les bénéfices environnementaux sont significatifs et justifient le développement de cette pratique promue dès les années 1970 (via le téléphone et surtout le fax). Néanmoins, les employeurs se doivent de mettre en place une réelle politique de télétravail, structurée et en cohérence avec les enjeux environnementaux contemporains.

 

Sources :

  • « Télétravail : des bénéfices environnementaux rognés par la visioconférence », Actu Environnement
  • « Etude sur la caractérisation des effets rebond induits par le télétravail », ADEME
  • « Et si le télétravail contribuait à l’efficacité énergétique de nos bâtiments tertiaires ? », Actu Environnement
  • « Le télétravail progresse : déjà 5,2 millions de salariés concernés », Le Parisien
  • « Le télétravail est efficace pour réduire la pollution », Sciences et Avenir
  • « Les mondes virtuels, l’avenir du travail après le confinement ? », Transhumanistes

 

Émilien TRACOL – Consultant Mobilité Durable

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