biodiversite | 18/03/20

Santé et Biodiversité

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Serpents, chauves-souris ou pangolins ont tour à tour été mis en cause par les chercheurs comme responsables dans la transmission à l’homme du Covid-19. Les connaissances dont disposent les scientifiques ne leur permettent pas d’incriminer une de ces espèces d’autant que l’on puisse douter que le virus puisse se propager de la chauve-souris à l’homme sans hôte intermédiaire.

 

Santé animale et santé humaine sont deux enjeux parfaitement liés. L’augmentation d’épidémies similaires au Covid-19 peut s’expliquer selon le Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE), d’une part par les méthodes d’élevage intensives vectrices de transmission des zoonoses*, d’autre part par la destruction des milieux, premier facteur d’érosion de la biodiversité à travers le monde.

L’OMS et la Convention sur la diversité biologique (CBD) sont d’accord pour déclarer que la dynamique d’effondrement de la biodiversité actuelle entraine une recrudescence des risques pour la santé humaine, et l’enjeu est de comprendre comment. Serge Morand, spécialiste en écologie parasitaire, auteur de «  La prochaine peste. Une histoire globale des maladies infectieuses  » explique que cette fragmentation des habitats, l’intensification agricole et de l’élevage conduisent à une perte de biodiversité qui produit une augmentation des interactions entre animaux sauvages et domestiques et humains. Cette destruction d’écosystèmes complexes fait rentrer en contact étroit l’humain et des espèces pouvant être porteuses de maladies et perturbe les relations établies avec les agents infectieux.

 

Nous pouvons citer l’exemple de l’émergence en 1998 du virus Nipah en Malaisie, où les déforestations massives ont conduit les grandes roussettes (Pteropus vampyrus) à migrer vers de nouvelles sources de nourritures. En s’approchant des cultures humaines, elles ont contaminé des porcs produits intensivement pour le marché international. Ainsi naissait une épidémie tuant 106 personnes humaines. Les déforestations accélèrent également l’épidémie de paludisme, maladie qui se transmet des singes aux hommes.

Plus proche géographiquement, la maladie de Lyme qui semble s’accroitre sous nos latitudes pourrait être favorisée par l’action humaine et la destruction des populations de renard roux. Ce prédateur en effet, régule les populations de rongeurs qui servent d’hôtes aux tiques porteuses de la maladie. La destruction de la biodiversité au niveau local peut ainsi avoir des conséquences sur le taux de prévalence ou la transmission de ces maladies (Keesing et al. 2010).

 

Selon le comité national consultatif d’éthique, les microbes et les virus font partie de la diversité du vivant, en cela, la biodiversité comporte une dimension menaçante pour la santé humaine mais elle comporte en elle les moyens de lutte contre la plupart des maladies. A titre préventif, un environnement sain prévient les atteintes non infectieuses à la santé.

L’OMS estime que 80% de la population mondiale dépend des remèdes traditionnels issus d’espèces sauvages. La recherche pharmacologique n’a exploré que 2% du monde végétal terrestre et une part encore plus infime des champignons et de l’ensemble des organismes marins. Il est évident que l’ensemble du vivant est un réservoir majeur de molécules. La disparition progressive du matériel biologique à disposition de la médecine pourrait donc compromettre l’innovation biomédicale et réduire les chances de se nourrir et de se soigner correctement.

 

La biodiversité cependant, ne se trouve pas seulement dans la Nature, nous autres humains sommes porteurs de tout un cortège de micro-organismes, bactéries et levures entre autres, qui peuplent nos intestins, notre peau et nos organes. Ces symbioses que nous vivons avec ces micro-organismes nous permettent de nous protéger d’attaques extérieures et d’assumer des fonctions plus triviales comme la digestion. En temps d’épidémie, il est tout naturel que la prudence nous guide vers l’utilisation de produits désinfectants mais une réflexion est à mener sur l’utilisation répétée de ce type de biocides et d’antibiotiques, très toxiques pour les micro-organismes avec lesquels nous vivons en harmonie.

Les politiques publiques ont peu à peu pris en compte les enjeux de l’érosion de la biodiversité sur la santé. Mais les moyens et les actions mises en œuvre ne sont pas à la hauteur des enjeux et de l’urgence de la situation. Dans le cadre des rencontres nationales santé environnement du 14 et 15 février 2019 en vue de la préparation du 4e plan national santé et environnement (2020-2024), un atelier thématique intitulé «  Biodiversité, une chance pour la santé ?  » accompagne les rencontres. Le sujet reste quantitativement peu débattu par rapport aux thématiques de la qualité de l’air, de la qualité de vie, qui, sans être totalement séparées des enjeux de la biodiversité, sont des sujets bien distincts.

 

Les entreprises disposent de moyens d’action pour réduire leur impact sur la biodiversité, une réflexion au niveau mondial est à conduire pour que l’argument de la santé publique intègre les débats sur les conséquences de la destruction du milieu et des animaux sauvages.

Intégrer la protection de la biodiversité à sa démarche RSE et exiger de ses fournisseurs une traçabilité des approvisionnements qui exclue toute atteinte à la biodiversité sont le Saint Graal de stratégies qui restent à structurer.

Loin de véhiculer l’idée d’une société humaine en conflit avec une nature menaçante, l’épidémie actuelle doit nous faire prendre conscience de la nécessité de limiter dans le futur, les conditions d’émergence de ce type de virus en militant pour la préservation des biotopes et des écosystèmes. Cette exigence et la prise en compte de la biodiversité de l’infiniment petit à l’infiniment grand, peut nous aider à jeter les bases d’une activité économique plus saine.

 

* Les zoonoses sont des maladies et infections dont les agents se transmettent naturellement des animaux vertébrés à l’être humain, et vice-versa.

 

Romain GARNIER – Consultant Biodiversité

 

Sources :

 

 

 

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